« Sam viens donc dire bonjour à John au lieu de te cacher. » Honnêtement John pouvait effrayer n’importe quel enfant : grand, brun avec une barbe de quelques jours ayant élu domicile sur ses traits fatigués. Il avait cet air de baroudeur qui impressionnait les petits comme les grands. Il ressemblait un peu à mon père. La seul vrai différence qu’il y avait entre ces deux hommes qui avaient tout traversés était leurs yeux, John possédait des pupilles sombres tandis que ceux de Dorian, mon paternel, arborait une magnifique couleur clair : des yeux bleus qui pouvaient déstabiliser n’importe qui. Néanmoins dans leur regard on pouvait retrouver le même éclat de vengeance, qui ne renforçait que plus la ressemblance des deux hommes.
Je finis par courageusement m’approcher du haut de mes quatre ans, plus craintive de la sévérité de mon père que par John. Ce dernier m’attrapa dans ses bras avant de me sourire. «Je suis désolée de te dire ça, Dorian, mais elle ressemble beaucoup plus à Maggie qu’à toi. » Un éclat de rire s’échappa des lèvres de mon père. « M’en parle pas, espérons qu’elle n’est pas le même caractère. ». C’est évidemment à ce moment précis que ma mère décida de rentrer. Les cheveux bruns attachés en queue de cheval, un révolver à la ceinture, un petit sourire au coin des lèvres. « Tu as un problème Dorian ? » Mon père secoua la tête en rigolant tandis que je regardais toujours la scène, perchée dans le bras de John. Ma mère commença à se diriger vers moi et me récupéra des bras de John. « Je suis passée chercher ton gosse chez Sally, au fait. Il est sagement dans la voiture. » « Sagement ? Laisse moi en douter. » John se dirigea vers la porte d’entrée avant de revenir avec un jeune garçon. Isaac avait 7 ans, l’âge où il manque à l’inventaire quelques dents et nous regardait avec suspicion. « Isaac, voici Dorian et Maggie, ils vont te garder pendant quelques jours. » L'enfant croisa les bras sur le champ avant de répondre. « Je reste pas ici, je viens avec toi. ». « Isaac, tu ne discutes pas. » Le garçonnet arbora un air boudeur tandis que John serra la main de mon père. « Merci, l’affaire était beaucoup trop dangereuse pour que je l'emmène et pas un motel à l’horizon la où je vais… Je te revaudrais ça. » « T’inquiètes pas mon vieux, arrange toi pour revenir en vie. Je voudrais pas être celui qui apprend à Isaac à tirer. » Un sourire s’afficha sur les lèvres du jeune garçon « C’est vrai papa ? tu vas m’apprendre ? » John passa une main dans les cheveux de son fils avec un regard soucieux avant de lui repondre. « Oui quand je reviendrais et à condition que tu sois sage pendant ces quelques jours. » L'enfant hocha la tête et regarda son père quitter la maison.

Je jouais tranquillement, quand Isaac s’avança vers moi. « Tu t’appelles comment ? » « Sam » Le petit garçon fit une grimace avant de se mettre à pouffer. « C’est débile comme prénom, c'est pas parce que t'as un nom de mec que tu pourras te battre contre des monstres » Ce gosse en a peine deux minutes avait réussis à me vexer. Plus tard, je repensais aux monstres dont Isaac m’avait parlé, sans comprendre. A cet âge il m’était impossible de comprendre le travail de mes parents, pourquoi il revenait avec du rouge sur les mains, de la terre aux genoux. Pourquoi ils avaient une arme à la main ou accrochée à la ceinture. Pourquoi nous voyagions tout le temps. Toutes ces questions ne me venaient même pas en tête tant mes parents avaient essayé de me garder le plus loin possible de toutes ces horreurs. Quand mes parents partaient chasser, ils s’arrangeaient toujours pour que je ne sois jamais seule chez moi : l’un partait tandis que l’autre me gardait ou ils me déposaient chez ma grand-mère, qui avait également été une chasseuse comme mon grand-père.

Les années s’écoulèrent, rythmées par les chasses et les déménagements. Mon père finit par comprendre qu’il fallait que je sache me défendre quand un vampire nous attaqua ma mère et moi tandis que mon père chassait le nid. Malgré tout ce qu’ils avaient essayés de mettre en place, ils s’aperçurent que ça ne serait jamais assez et qu’il fallait diminuer le risque en m’apprenant à tirer mais, surtout, il fallait que je sache à quoi j’avais à faire. Après l’attaque du vampire, je n’avais cessé de poser des questions, j’avais peur. Constamment. Et mes parents ne supportaient pas cette crainte qui alimentait mon regard. J’apprenais donc à tirer mais également tout ce que mes parents avaient pu récolter sur les monstres au fil des années. Savoir quoi pouvait tuer qui. Voilà comment chasser la peur. Les monstres n’étaient pas invulnérables. Au fur et à mesure des ans, je revis souvent Isaac, mes parents rejoignaient John pour l’assister dans une chasse et nous étions à présent suffisamment grands pour rester seul et nous défendre. Mes parents savaient que je serais toujours en sécurité avec lui.

A l’aube de mes treize ans, alors que je m’habituais enfin à cette vie emplie d’horreur et de folie, un nouveau retournement vint déstabiliser mon environnement. Mon père acheta une maison : plus d’entraînement de tir mais des cours d’histoire à l’école. Mais surtout, plus de John ni d'Isaac. J’ai été tout simplement abandonnée, jetée dans cette nouvelle vie. Trahis tout simplement.

Mais la vie avait continué son cour, rythmée de temps en temps par des chasses qui était dans notre secteur, qui nous touchaient personnellement. J’ai finis par avoir mon diplôme, j’ai quitté mes parents leur annonçant que je voulais devenir une chasseuse à part entière. Il est inutile de dire que mon père le prit très mal, lui qui avait toujours tout fait pour me protéger, qui avait rêvé me voir poursuivre mes études se retrouvait déçu de mon choix de vie. Mais chasser était ce qui me plaisait, c’était dans mon sang, c’était une vocation. Je ne me voyais pas devenir un grand médecin ou bien même travailler dans un bureau. Ce n’était pas moi.

Je prenais donc la route, sac dans le coffre, fausse carte de crédit et d’identité dans la boite à gants. Me laissant guider par les articles horribles qui peuplaient les journaux jusqu'à la Nouvelle Orléans. Chassant, suant sang et eau pour affronter ces créatures de la nuit. Je me croyais invincible.  Enfin c’est ce que je pensais jusqu’à cette sombre nuit d'aout 2012 où je chassais des lycanthropes. Ce que je pensais être un loup solitaire s’était au final révélé une meute assoiffé de sang. Vite entourés, débordés, j’ai cru voir mon heure arrivée. Je me suis battue tant que je le pouvais. Mais je me fatiguais vite, trop vite, tentant d'éviter les loups qui me sautaient dessus l'un après l'autre, crocs dehors. Je finis par trébucher et croyais que ma fin était arrivée devant un loup blanc qui s'apprêtait à bondir, jusqu'à ce qu'un autre loup bien plus massif se mette en travers de sa route, se plaçant devant moi. Je restais interloquée devant cet étrange tableau. Jusqu'à ce que le loup le plus gros, pousse un hurlement faisant s'enfuir les autres canidés.

Je restais seule devant la bête, ne pouvant m'empêcher de trembler, cherchant à attraper mon revolver, espérant qu'il reste une balle remplie d'aconit. Par chance il en restait une. Alors que je visais l'immense bête, ce dernier reprit forme humaine avant de me lancer d'un air désinvolte. «J'éviterais si j'étais toi. » J'arquais un sourcil, sans comprendre comment il avait pu se maîtriser et reprendre forme humaine. Jusqu'alors je n'avais jamais eu vent qu'il y avait des hybrides. Cette bien étrange rencontre, marqua le début d'une nouvelle ère. L'homme s’appelait Jude et je me sentais redevable envers lui de m'avoir ...sauver en cette fameuse nuit d'aout. Ce qui m'empêchait tout simplement de mettre fin à sa vie, ce qui ne manquait pas de perturber ma vision des choses, moi qui n'avais jamais eu l'habitude d'avoir pitié de ce que je considérais comme un "monstre". Notre relation malgré sa complexité évolua bien vite et nous nous retrouvâmes rapidement en couple, nous tentions de concilier ma vie de chasseuse avec son secret à lui. Même si des conflits éclataient souvent, notre relation n'a jamais été plus en péril qu'en ce moment tandis que je remarquais son attachement envers une certaine Kayla.